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Dialyse : la transparence, rien que la transparence, toute la transparence

Alors que le rapport définitif sur l’AURAR vient d’être rendu public et confirme les constats sévères sur les pratiques mercantiles de l'association (voir le pdf de l'article du Monde), il nous semble utile de préciser notre demande de transparence des activités de dialyse en France, rappelée par Nathalie Mesny à l’occasion de son interview récente.

Il n’est ici en aucun cas question de prétendre que les pratiques de l’AURAR, dénoncées par la CRC, sont généralisées à l’ensemble de la dialyse en France.

Cependant, on sait qu’il existe, ailleurs qu’à l’AURAR, des difficultés, autour de l’orientation des patients entre les différents traitements notamment. Fréquemment évoquées dans les témoignages des patients, leur réalité et leur ampleur sont aussi démontrées par les données du registre REIN. Ces constats, factuels, ont été mis en lumière par différentes institutions ces dernières années : CNAMTSHaute Autorité de SantéCour des comptesHCAAM, etc.

L’ensemble des analyses confirme qu’une des raisons majeures de ces dysfonctionnements est la rentabilité exceptionnelle de la dialyse en France, de l’ordre de 13 à 15%. De tels taux sont inhabituels dans la santé, où ils excèdent rarement 2 ou 3%. Des rentabilités supérieures à 10% se retrouvent plutôt dans l’industrie du luxe, ou encore… dans certains EHPAD, où elles entrainent des dérives largement médiatisées.

La dialyse ne manque donc pas d’argent.
Alors comment expliquer que ces moyens ne soient pas toujours utilisés pour améliorer la qualité des soins et de la vie des patients ? Les écueils liés au mode de financement et à la rentabilité de la dialyse sont bien identifiés.

Renaloo ne demande pas la diminution des moyens attribués à l’insuffisance rénale, bien au contraire : nous souhaitons qu’ils soient mieux utilisés, et surtout dans l’intérêt des patients.

On peut évoquer trois exemples qui montrent que la situation pourrait être améliorée :

1. Un recours à la greffe – le meilleur traitement – inférieur à celui de beaucoup de nos voisins européens. 

La France est en 11ème position sur une quinzaine de pays pour le ratio greffés / dialysés.

Peut-on faire mieux dans le domaine du prélèvement d’organes ? Les exemples d’autres pays, et notamment celui de l’Espagne, mais aussi celui des hôpitaux français ayant de bons résultats, montrent que oui. Le succès repose directement sur l’organisation du prélèvement et sur les moyens qui y sont dédiés. Il s’agit donc d’un choix politique, qui n’a pas encore été complètement fait en France.

Par exemple, comment justifier que les prélèvements de type Maastricht 3 ne sont pratiqués que dans 26 hôpitaux sur le territoire ?

2. Un accès à la liste d’attente de greffe trop lent et insuffisant.

L’inscription, qui est une décision médicale, est la première étape essentielle pour être greffé : pas d’inscription, pas de greffe. Les recommandations préconisent qu’elle ait lieu entre 12 et 18 mois avant le début de la dialyse. Mais dans les faits, 50% des patients de moins de 60 ans, pour lesquels il y a peu de contre-indications à la greffe, ne sont toujours pas inscrits 17 mois après le début de la dialyse. Ce retard de près de deux ans et demi entre les recommandations et les pratiques entraîne des pertes de chances très importantes pour les malades. 

Après 60 ans, l’accès à la liste s’effondre et les délais d’inscription augmentent de façon considérable. De plus, ils sont très variables selon les régions, montrant de grandes inégalités des chances en fonction du lieu où on est soigné.

3. En attendant la greffe ou lorsque la greffe n’est pas possible, la dialyse doit être adaptée, personnalisée et choisie par et pour chaque patient.

L’intérêt de modalités plus longues ou plus fréquentes n’est plus à démontrer : amélioration de la qualité de vie, de la qualité du traitement, de la santé, possibilité de maintien dans l’emploi, dans la vie sociale, etc. Et même, pour certains, la possibilité de refaire du sport à haut niveau !

En 2017, moins de 300 patients en France (0,7%), sur près de 50.000 dialysés étaient traité en hémodialyse longue nocturne (HDL – 3 fois 6 ou 7 heures par semaine).
Là aussi, les inégalités régionales sont majeures.
En Bretagne, 4% des patients (80 environ) sont en HDL. Ce taux important (même s’il existe une liste d’attente qui montre que l’offre est encore insuffisante) est le résultat d’un engagement fort en France de l’AUB, qu’il faut saluer, et qui montre qu’il est possible de proposer largement l’HDL, dont les surcoûts sont compensés par la rentabilités des autres modalités de dialyse.

En revanche, comment justifier qu’il n’existe aucune offre d’HDL dans de nombreuses régions ? En Alsace, Champagne-Ardenne, Limousin, Poitou-Charentes, Nouvelle-Aquitaine, Midi-Pyrénées, Picardie, Centre-Val de Loire, Corse, Guadeloupe, Guyane, Martinique… Que font les ARS et les structures de dialyse correspondantes ?

Il existe de nombreux autres aspects pour lesquels l’existence de certaines pratiques délétères pour les patients est démontrée – démarrages de dialyse trop précoces, défaut d’information, diminution continue de la dialyse autonome, qualité de la dialyse parfois insuffisante, etc. 

Elles sont suffisamment répandues pour impacter les statistiques nationales et régionales. Cela ne veut pas dire que « tout le monde est dans le même panier » et cela n’a jamais été notre propos. Mais on ne peut plus se contenter de laisser ces dysfonctionnements sous le chapeau au motif que les dénoncer heurte ceux qui font bien.

En tant qu’association de patients, nous considérons que notre devoir est de demander qu’il soit enfin mis un terme à une situation qui perdure depuis de trop nombreuses années et dont les victimes ne sont ni les établissements, ni les professionnels de santé, mais les personnes malades.

Quelle transparence ?

Les données, issues du registre REIN, sont disponibles au plan national et régional. Mais leur accès est interdit à un niveau plus fin, notamment par établissement. Cette opacité, que nous dénonçons depuis des années, ne permet pas de distinguer les structures qui font bien de celles qui font mal. Elle est source de suspicion, et on peut se demander ce qu’elle cherche à cacher.

En 2019, la confiance ne se décrète plus, elle se mérite.

Les patients ont le droit de savoir comment travaillent les établissements qui les soignent. Les régulateurs ont le devoir de contrôler comment les soins qu’ils financent sont délivrés, afin d’intervenir lorsque c’est nécessaire. Ce pilotage par les données devra aussi être au centre de la réforme du financement de l’IRC, afin de favoriser la pertinence et la qualité des soins dès les stades précoces de la maladie.

Beaucoup d’éléments liés au confort et à l’accompagnement, qui ne sont actuellement pas mesurés, ont aussi un impact fort. Insuffisance d’accès aux psychologues, diététiciennes et assistantes sociales, ou encore dégradation voire disparition des repas, alors même que la dénutrition est un problème majeur.

Les économies de bouts de chandelles sont parfois telles qu'il arrive qu’on impose même aux patients d’amener leurs propres draps et taies d’oreiller en dialyse ! Rogner sur les coûts peut bien sûr être une nécessité financière. Si c'est le cas, il faut le démontrer, là aussi en faisant acte de transparence : les éléments comptables correspondants doivent être rendus publics, comme la règlementation le prévoit.

La transparence médicale, financière et organisationnelle en dialyse est un impératif pour que les « moutons noirs », qui ont jusque là été protégés par ce système opaque, soient enfin identifiables.

A part eux, tout le monde a à gagner à s’engager fortement dans cette transparence, en particulier tous ceux qui font « bien » et qui vont ainsi pouvoir le prouver.
C’est ce que nous demandons, plus fortement que jamais. 

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