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Amendement sur le don d’organes : la position de Renaloo

Un amendement au projet de loi Santé prévoit de ne plus consulter les proches d’un défunt lorsqu’un don d’organes est envisagé. Dès lors que la personne ne sera pas inscrite sur le registre des refus, ses proches seraient simplement "informés des prélèvements envisagés et de la finalité de ces prélèvements".

Cette proposition a pour objectif de faire diminuer le taux de refus de don (actuellement autour de 30%) et ainsi de prélever davantage d’organes. Il s’agirait aussi d’épargner aux familles la difficulté de se prononcer sur le don d’organes à un moment très douloureux, même si la loi actuelle prévoit que c’est la volonté du donneur potentiel, et pas celle de ses proches, qui est recherchée.

Les professionnels du prélèvement, médecins et infirmières, ont déjà fait connaître leur opposition à cet amendement et demandé son retrait. Ils estiment qu’imposer le prélèvement à une famille qui s’y opposerait, dans un contexte déjà très difficile, serait contraire à leurs convictions, à leurs valeurs d’humanité et à leur façon d’accompagner les familles. Ils redoutent aussi des réactions très violentes de la part de ces proches. Ils sont des acteurs essentiels de la chaîne du don à la greffe et leur position doit être entendue.

D’autres réactions d’hostilité très vive se sont par ailleurs exprimées sur ce projet d’amendement, le considérant comme une mesure liberticide ou une forme d’extorsion ou de nationalisation des organes par l’Etat.

Même si cette proposition peut sembler séduisante, nous sommes donc inquiets des risques qu’elle comporte. Elle pourrait en effet produire l’effet exactement inverse à celui recherché, une diminution majeure du don d’organes, au détriment des patients en attente…

Le don d’organes bénéficie aujourd’hui dans l’opinion d’une image positive, associée à la solidarité et à la fraternité. Toutes les grandes religions se sont prononcées en faveur du don et de la greffe.
Il serait dramatique de transformer ce capital de confiance en un bloc de défiance, pouvant aller jusqu’au rejet du principe même de la transplantation.

On sait combien l’activité de prélèvement d’organes est fragile. Il suffit d’évoquer l’impact médiatique très négatif de l’affaire d’Amiens, qui a conduit au début des années 90 à une diminution sensible et durable du nombre de greffes d’organes.

La diminution du taux de refus doit bien entendu être une priorité absolue, mais la mise à l’écart des proches est-elle le meilleur moyen d’y parvenir ? En Espagne, le taux de refus est tombé à 15%, deux fois moins élevé qu’en France. Pour autant, les familles ne sont en aucun cas exclues du processus. La stratégie espagnole s’appuie justement sur un accompagnement optimal, rendu possible par la professionnalisation, la motivation et la formation des équipes de coordination.

Rappelons que d’autres pistes de lutte contre la pénurie existent et doivent aussi être soutenues fortement :
– la greffe de rein à partir d’un donneur vivant a atteint son record historique en 2014, avec 16% des transplantations rénales réalisées… ce taux s'élève à 30 à 40% chez plusieurs de nos voisins européens.
– les prélèvements sur donneurs décédés après arrêt cardiaque liés à un arrêt des thérapeutiques actives (DDAC M3) débutent tout juste dans notre pays, sous la forme d’un programme expérimental, alors qu’ils permettent d’ores et déjà la réalisation d’environ 30% des greffes rénales en Angleterre ou aux Pays Bas.

Ainsi, en faisant diminuer le taux de refus de 30 à 20%, en passant respectivement à 20% des greffes rénales à partir de donneurs vivants et à partir de donneurs M3, on pourrait passer d’environ 3000 greffes rénales par an actuellement à plus de 4000.

Nous espérons à ce stade que l’amendement soit modifié, afin de prendre en compte les différentes préoccupations exprimées. Une phase de conciliation et de débat afin d’identifier les évolutions souhaitables au dispositif actuel semble également indispensable. Le principe du consentement présumé, qui fait de chacun un donneur potentiel sauf s’il s’y est opposé de son vivant, doit absolument être préservé.


> Voir la revue de presse sur l'amendement

Repères chiffrés*

  • 19000 patients ont été en attente d’une greffe d’organes en 2013.
  • Parmi eux, 14000 environ ont attendu un rein. 42000 patients étaient en dialyse la même année.
  • Seulement 5123 greffes ont été réalisées au cours de l’année, dont 3074 greffes de rein.
  • 3336 donneurs potentiels en état de mort encéphalique ont été recensés au cours de l’année. 1627 d’entre eux ont été effectivement prélevés.
  • 1099 donneurs potentiels n’ont pas été prélevés en raison d’une opposition (taux de refus 32,9%).

* source : Agence de la biomédecine

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1 Commentaire

  • Personnellement, je suis 100% POUR le prélèvement d’organes si, et seulement si, la personne décédée ne s’y est pas opposée de son vivant.
    C’est une conversation qui doit avoir lieu dans le cadre familial et la décision doit être formalisée clairement si les personnes ne souhaitent pas donner.
    Il faut que la norme change et que le refus soit une démarche personnelle, réfléchie et volontaire, comme l’est le don aujourd’hui.

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